Le jour où Ivoiriens et Burkinabés ont failli avoir une nationalité commune
Leur histoire est tellement liée qu'à une époque le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire ont failli constituer un même pays. Et leurs citoyens auraient pu partager la même nationalité si le projet lancé par leurs présidents respectifs au début des indépendances avait abouti.
L’histoire des relations entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire remonte aux années 1920. Alors que la colonie de la Haute-Volta n’était considérée qu’un réservoir de main d’œuvre, celle de la Côte d’Ivoire prospérait avec ses plantations de café, cacao, banane, hévéa, etc...
Le colonisateur français dirige alors la main d’œuvre voltaïque vers la forêt ivoirienne. L’histoire s’accélère en 1932 avec le décret supprimant la colonie de la Haute-Volta pour des raisons économiques et financières. Plus de la moitié du territoire est rattachée à la Côte d’Ivoire. En 1938, la fusion est plus réelle avec la création d’un territoire de la Haute Côte d’Ivoire allant de la frontière ivoirienne à Kaya soit plus de 100 km au nord de Ouagadougou. Ainsi, Ivoiriens et Voltaïques ont-ils été représentés à l’Assemblée nationale française par les mêmes députés : Félix Houphouët-Boigny, Philippe Zinda Kaboré ou Daniel Ouezzin Coulibaly.
En 1947, la colonie de la Haute-Volta est reconstituée. Après la mort des deux illustres représentants du pays* , Houphouët-Boigny se rapproche de Maurice Yaméogo, le futur premier président voltaïque. Ils développent assez rapidement une solide amitié. Si bien que Maurice Yaméogo retire son pays de la Fédération du Mali.
Avec Félix Houphouët-Boigny et les présidents nigérien et dahoméen (de l’actuel Bénin), ils vont créer le Conseil de l’entente. Ensemble, ils font le tour dans la première semaine du mois d’août 1960 pour assister à la proclamation de l’indépendance de chacun des pays qu’ils représentent.
Entre Félix Houphouët-Boigny et Maurice Yaméogo, les liens d’amitié se renforcent davantage. Le président voltaïque rend régulièrement visite à son aîné de Côte d’Ivoire. A tel point que ses compatriotes le surnomment «commis voyageur».
Les populations de l’ancienne Haute Côte d’Ivoire descendent en masse vers la Basse côte. Il ne s’agit plus maintenant d’émigration forcée. Elles sont attirées par les richesses de la Côte d’Ivoire. Ces populations sont donc de plus en plus nombreuses dans les villes et les campagnes ivoiriennes notamment dans les plantations agricoles.
Le rapprochement entre les deux pays et leurs leaders est tel qu’ensemble, Félix Houphouët-Boigny et Maurice Yaméogo proposent à leurs peuples un projet de double nationalité. Ainsi, un ressortissant de chacun de ces deux pays serait à la fois voltaïque et ivoirien. La Côte d’Ivoire et la Haute-Volta sont tout près de réaliser ce que deux Etats africains n’ont jamais réussi. Soumis en débat des deux côtés avant adoption, le projet est curieusement rejeté des deux côtés.
Ironie du sort : les problèmes de nationalité vont empoisonner plus tard les relations entre les deux pays. À tel point que certains observateurs en sont venus à regretter le projet de la double nationalité.
Les problèmes commencent avec l’affaire de la nationalité ivoirienne de l’opposant Alassane Ouattara à la fin des années 90. Alors que celui-ci se revendique Ivoirien, il est taxé de Burkinabè par le pouvoir d’Abidjan.
La tension politique créée par cette affaire se transpose sur les immigrés burkinabés. De Henri Konan Bédié à Laurent Gbagbo en passant par le général Robert Gueï, la tension devient presque permanente entre les deux voisins. De part et d’autre, règne la suspicion. Chacun accuse l’autre de déstabilisation.
Après le déclenchement de la guerre en Côte d’Ivoire en septembre 2002, les relations entre Abidjan et Ouagadougou sont au plus bas, puisque le pouvoir ivoirien considère le chef de l'Etat burkinabé comme le parrain de la rébellion. Des centaines de milliers d’immigrés burkinabés font un retour forcé au pays.
En janvier 2007, contre toute attente, les deux capitales effectuent un virage à 180 degrés. Le président burkinabé Blaise Compaoré est désigné par son homologue Laurent Gbagbo comme facilitateur du dialogue inter-ivoirien. Ce dialogue aboutit en mars 2007 à l’accord politique de Ouagadougou. Les relations entre le Burkina et la Côte d’Ivoire se décrispent. Les deux chefs d’Etats renouent le dialogue et ravivent leur amitié. Au grand bonheur de leurs populations qui peuvent désormais circuler librement dans chacun des deux pays.
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